L’absentéisme en France : un phénomène qui s’aggrave :

26/07/2025

Organiser le partage des responsabilités pour enclencher un cercle vertueux :C Harrigan CNP Assurance Protection Sociale 25 /07/2025

  • 25 à 60 milliards d’euros : c’est l’estimation du coût annuel de l’absentéisme en France, en fonction des modes de calcul , et des sources retenues
  • Les secteurs les plus impactés par l’absentéisme : sont la santé, l’économie sociale et l’éducation (taux d’absentéisme de 6,79%), le commerce et le transport (5,17%), ainsi que l’industrie & le BTP (5,01%)

Selon le 17e Baromètre de l’Absentéisme et de l’Engagement® d’Ayming (2025), le taux d’absentéisme s’établit à 4,5% en 2024 (contre 4,2% en 2023), tandis que le Baromètre Mercer 2025 évoque un taux encore plus élevé de 5,8% en 2024 (contre 5,3% en 2023).

L’absentéisme coûte aux entreprises en moyenne 4 000 euros par salarié par an, selon le Pr Cappelletti (CNAM)

Plus inquiétant encore, la durée moyenne des arrêts ne cesse de s’allonger.

Avec 23,3 jours d’arrêt en moyenne par salarié, la France a vu ce chiffre progresser de 11 jours en une décennie.

L’Institut Sapiens, s’appuyant sur les recherches de l’ISEOR, va même plus loin en évaluant le coût total de l’absentéisme à                 107,9 milliards d’euros par an pour les entreprises françaises (soit 4,7% du PIB), dont une bonne partie résulterait de pratiques managériales inadéquates et de conditions de travail défavorables.

Un management défaillant, première source de stress évitable en entreprise, devient ainsi un enjeu de santé publique ; il génère un effet domino : stress, arrêts courts qui s’allongent, désengagement, turnover.

Le turnover s’accélère, entraînant des coûts de recrutement et de formation supplémentaires ; l’image de l’entreprise se dégrade, rendant plus difficile l’attraction des talents.

Les entreprises entrent alors dans un cercle vicieux où la désorganisation alimente l’absentéisme, qui aggrave la désorganisation.

Les coûts cachés de l’absentéisme

Au-delà des coûts directs (maintien de salaire, indemnités journalières), l’absentéisme génère des coûts indirects souvent sous-estimés.

La désorganisation des équipes perturbe les projets en cours , et dégrade la qualité de service ; plus grave encore : l’absentéisme crée un effet de contagion.

Les salariés présents, surchargés par le travail de leurs collègues absents, s’épuisent à leur tour.

La motivation collective s’effondre, l’ambiance se détériore ; c’est toute la dynamique de l’entreprise qui est affectée.

Trois leviers permettraient d’inverser cette spirale.

Premier levier : consacrer une part minime des cotisations santé prévoyance à un fonds de prévention cogéré entre entreprises et assureurs.

Ce fonds financerait des actions concrètes : accompagnement psychologique, formation des managers, prévention ciblée.

L’investissement est rentable : chaque euro investi en prévention génère trois euros d’économies, selon l’Institut de Recherche sur le Stress des Entreprises (Irsep).

Deuxième levier : instaurer un bonus-malus sur les cotisations :

Les entreprises seraient évaluées sur leur taux d’absentéisme global , et sur l’évolution de ce taux.

Les entreprises vertueuses bénéficieraient de réductions, les entreprises défaillantes verraient leurs cotisations majorées, au fonds de prévention (finançant ainsi les actions qui leur permettraient de s’améliorer).

Cette incitation économique transformerait mécaniquement les comportements managériaux.

Le système inclurait naturellement des ajustements sectoriels pour tenir compte des spécificités de chaque métier.

Troisième levier : transférer progressivement aux entreprises le financement des arrêts courts.

Quand l’absentéisme impacte directement leur trésorerie, les directions générales s’intéressent soudainement à la qualité du management et au bien-être des équipes.

Ces mesures, nécessitent un prérequis : clarifier le cadre fiscal des actions de prévention.

Une transformation nécessaire et urgente :

Certains crieront au transfert de charges vers les entreprises.

C’est oublier que le coût de l’inaction est déjà supporté par elles : désorganisation, perte de compétences, dégradation de l’image de l’entreprise.

La France peut transformer son système d’indemnisation en levier de performance.

En responsabilisant tous les acteurs :  État, entreprises, salariés, assureurs , on créera les conditions d’un travail qui préserve la santé,  plutôt que de la détruire.

Un management performant qui garantit de bonnes conditions de travail n’est pas un coût , mais un investissement stratégique.

On passera du cercle vicieux de la défiance, au cercle vertueux de la confiance, garantissant la pérennité de notre protection sociale.