Evolution des droits aux Congés payés à la suite de la décision du Conseil d’Etat

16/03/2024

Le 13 /09/2023, la Cour de cassation a marqué un tournant en jugeant, à juste titre, que certaines dispositions du code du travail en matière d’acquisition des Congés Payés (CP) étaient contraires au droit de l’Union européenne.

Notamment, elle a considéré que les salariés en arrêt maladie devaient bénéficier des mêmes droits à CP , que ceux au travail  (pour arrêt en accident du travail ou maladie professionnelle) .

Cette décision a soulevé de nombreuses questions pratiques et engendré des demandes de régularisation devant les juridictions… mais le code du travail restant inchangé, elle a plongé dans l’incertitude les acteurs du monde économique et juridique

La décision du Conseil Constitutionnel du 08/022024, saisi d’une QPC, a jugé que les dispositions prévues actuellement par le Code du travail,  étaient conformes à la Constitution. Il a simplement rappelé , son rôle de gardien de la constitutionnalité , plutôt que de conformité aux engagements internationaux de la France.

Face à ce dilemme, l’avis du Conseil d’État a été sollicité , sur un amendement déposé par le gouvernement , visant à aligner le code du travail sur les exigences européennes , concernant l’acquisition de CP durant les arrêts maladie.

  • Le Conseil d’Etat valide une limite à quatre semaines d’acquisition (nombre du droit européen) de congés payés , quelle que soit l’origine de l’arrêt : professionnelle ou non.
  • S’agissant de droits acquis antérieurement à une absence pour cause de maladie, le principe selon lequel le travailleur doit avoir été en mesure d’exercer effectivement son droit à congé, fait obstacle à ce que ces droits puissent s’éteindre.                     
  • Le Conseil d’État estime qu’il n’est pas possible de fixer, une durée de la période de report des congés acquis au cours d’un arrêt maladie qui soit inférieure à quinze mois
  • Le Conseil d’État constate également que cette loi de régularisation , qui composerait avec l’application de la jurisprudence récente de la Cour de cassation porterait nécessairement sur des droits acquis depuis le 01/12/2009 (date d’application réelle de la directive de 2003), qui est celle à laquelle cette jurisprudence s’applique.

Si une telle loi de validation venait écarter, sur tout ou partie de la période écoulée depuis le 01/12/2009, dans un sens défavorable aux salariés, les principes issus de la jurisprudence, elle continuerait de violer le droit de l’Union européenne…

Avis du Conseil d’Etat portant sur la mise en conformité des dispositions du code du travail en matière d’acquisition de congés pendant les périodes d’arrêt maladie 13/03/2024

Contenu du projet d’amendement du Ministère du travail

 1/Modification de l’article L. 3141-5 du code du travail pour :

Supprimer la limite d’un an pour l’acquisition de congés pour les arrêts de travail pour cause d’accident du travail ou de maladie professionnelle.

2/ Considérer comme périodes de travail effectif pour la détermination de la durée du congé les périodes pendant lesquelles l’exécution du contrat de travail est suspendue pour cause d’arrêt de travail , non lié à un accident du travail ou une maladie professionnelle, dans la limite de l’acquisition de 24 jours ouvrables de congés payés maximum par an (ou 4 semaines).

3/ Limitation rétroactive et pour l’avenir, à 4 semaines de la durée des congés payés acquis au cours d’un arrêt de travail non professionnel :

  • Limitation à 24 jours par an (ou 4 semaines) de la durée des congés payés acquis au cours d’un arrêt de travail non professionnel.

En pratique, le salarié acquiert 2 jours de congés payés par mois pendant les arrêts de travail au lieu des 2,5 jours habituels

  •  Limitation à 4 semaines/an de la durée des congés acquis depuis le 01/12/2009.

Il s’agit d’une mesure de valeur interprétative visant à ce que le juge judiciaire dans les contentieux sur le stock de congés que les salariés auraient dû acquérir s’appuie sur la disposition qui limite à 4 semaines la durée maximale de congés pour les salariés en arrêt maladie d’origine non professionnelle.

4/ Obligation pour l’employeur d’informer par tout moyen le salarié par tout moyen conférant date certaine, dans les dix jours qui suivent sa reprise du travail, du nombre de jours de congé qu’il a acquis , et de la date jusqu’à laquelle ils doivent être pris.

5/ Introduction d’un droit au report des congés plafonné pour les congés acquis pendant les arrêts maladie :

Il s’agit d’une limitation rétroactive et pour l’avenir à 15 mois des possibilités de report des CP pour les salariés en arrêt maladie :

  •   Pour les congés acquis antérieurement à l’arrêt maladie , et dont la période d’exécution expire alors que salarié encore en arrêt maladie : le point de départ du délai de report de 15 mois commence à courir , à la reprise du travail à partir du moment où l’employeur a formellement informé le salarié des droits à congé et droit au report
  •    Pour les congés acquis en cours d’arrêt maladie, report des congés payés acquis pendant plusieurs périodes d’arrêt consécutives :

        La période de report débute à la fin de la période d’acquisition des congés et le droit à congés expire au terme de ce délai, même si le salarié est encore absent , et que l’employeur n’a pu, en raison de la suspension du contrat de travail, l’informer de ses droits.

Si le salarié revient dans l’entreprise avant l’expiration de la période de report, le point de départ de la fraction restant de la période de report devrait être la date , à laquelle l’employeur a délivré l’information sur les droits à congés payés acquis ;

Sur l’application de la période de report aux situations passées : lorsque la maladie non professionnelle s’étend sur plusieurs périodes de référence, la règle selon laquelle le droit à congés acquis au cours de cette période de référence s’éteint ,si le salarié est toujours absent à la fin du délai de report peut trouver à s’appliquer pour les droits à congés nés au cours de périodes antérieures à l’entrée en vigueur de la loi.

En pratique, cette mesure permet d’empêcher les salariés dont les arrêts maladies se prolongent au-delà d’un an d’accumuler des congés payés jusqu’à leur retour dans l’entreprise.

6/ Limitation des délais accordés au salarié pour engager des actions en paiement des CP acquis en arrêt maladie :

  •   Pour les salariés dont le contrat de travail a été rompu, le Conseil d’état a rappelé que l’action en paiement des congés payés acquis pendant l’arrêt maladie peut porter sur les sommes dues , au titre des 3 ans précédent la rupture du contrat , et l’action est prescrite au bout de 3 ans suivant la rupture
  •  Pour les salariés qui sont encore dans l’entreprise, une forclusion de 2 ans à compter de l’entrée en vigueur de la loi,  fera obstacle à ce que les demandes puissent être présentées sans délai à des employeurs qui n’auraient pas procédé aux informations sur l’étendue des droits à congés des salariés.

 Les demandes des salariés présentées dans ce délai de 2 ans pourront porter le cas échéant, sur les contentieux associés aux périodes passées à partir du 01/01/2009.

Ces mesures sont de nature à réduire de manière significative la portée de la jurisprudence de la Cour de cassation pour le passé comme pour l’avenir.

Amendement n°44 déposé le 15/03/2024 par le gouvernement concernant les congés pendant un AM